6 mai 2012

La loi sur le harcèlement sexuel abrogée


Info: AFP

Les procédures en cours sont aujourd'hui sans valeur, même si le harcèlement sexuel reste proscrit par le code du travail.

Le Conseil constitutionnel a estiméque le texte manquait de précision.

Il n'y a a plus de loi en vigueur réprimant le harcèlement sexuel: le Conseil constitutionnel a abrogé vendredi l'article 222-33 du Code pénal qui stipulait que «le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende». Cette décision est d'application immédiate.

Les Sages avaient été saisis par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par Gérard Ducray, 69 ans. Cet ancien député, qui fut secrétaire d'État au Tourisme sous Valéry Giscard d'Estaing, a été condamné par la cour d'appel de Lyon, en mars 2011, à trois mois de prison avec sursis et 5 000 € d'amende, pour avoir eu un comportement délictuel à l'encontre de trois femmes fonctionnaires territoriales. La défense de l'intéressé, qui parle de «taquineries» ou d'«avances un peu lourdes», a donc déposé une QPC, estimant que la loi, trop floue quant à la définition du délit, ouvrait la voie à «tous les débordements, toutes les interprétations», selon Me Claire Waquet.

Le Conseil constitutionnel lui a donc donné raison. Dans leur arrêt, les Sages établissent que «l'article 222-33 du Code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution». Comme pour mieux souligner le fait que le législateur avait, au fond, bien conscience d'une difficulté, ils rappellent que «dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juillet 1992, le harcèlement sexuel (…) était défini comme “le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions” ; que (…)la loi du 17 juin 1998 a donné une nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots “en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes”, les mots “en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves” ; que (…)la loi du 17 janvier 2002 a de nouveau modifié la définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l'article 222-33 du Code pénal la rédaction contestée».

Reformuler

Paradoxalement, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) s'était jointe à la procédure pour demander l'abrogation du texte vague, mais de manière différée, afin d'éviter un «dangereux vide juridique». L'AVFT, à l'opposé de M. Ducray, affirme constater «des classements sans suite quasi systématiques» et des renvois pour harcèlement devant le tribunal «d'agissements qui auraient pu être qualifiés d'agressions sexuelles, voire de viols». Pour cette association, l'effet immédiat de la censure constitutionnelle est «catastrophique».

Il appartient désormais au législateur de reformuler le texte censuré: toutes les procédures en cours sont, en effet, sans valeur. À noter toutefois que le harcèlement sexuel reste proscrit par le Code du travail, et que les contrevenants s'exposent toujours, de ce fait, à des sanctions disciplinaires.

80 condamnés par an

La décision des Sages crée un vide juridique jugé «catastrophique» par les associations féministes. En attendant une nouvelle loi, l'association Paroles de femmes conseille aux victimes de «porter une nouvelle fois plainte pour violence avec préméditation». Scandalisée, l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail envisage d'engager une action contre l'État pour défendre les victimes «dont les procédures vont être annulées et qui ont tout perdu, notamment de l'argent». Selon la Chancellerie, la qualification de «harcèlement sexuel» donne lieu en moyenne à environ 80 condamnations par an. «Dans certains cas, des comportements susceptibles de relever de cette incrimination peuvent aussi être appréhendés sous une autre qualification, telle que tentative d'agression sexuelle ou violence volontaire», a précisé le porte-parole de la Chancellerie, Bruno Badré. «C'est un chiffre absolument dérisoire, une goutte d'eau dans l'océan, alors que l'on peut estimer que le harcèlement sexuel concerne environ 2 millions de femmes actives, dénonce Marilyn Baldeck, déléguée générale de l'AVFT. De plus, les condamnations concernent avant tout des agressions sexuelles déqualifiées en harcèlement sexuel.»




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