En première ligne, agente de maîtrise, Siva Jothivadivel s’oppose aux injonctions de sa direction de faire partir les plus anciens employés.
D’un coup, la voix de Benali se fait rageuse, puissante, et recouvre le brouhaha ambiant. « Notre Coupe du monde à nous se joue à Tolbiac. Notre trophée s’appelle droits et dignité, et nous allons tout faire pour le remporter ! » lance à la tribune le représentant syndical CNT des salariés grévistes de l’entreprise Arc en ciel, qui s’occupe depuis l’hiver 2021 du nettoyage des locaux du centre Pierre-Mendès-France, annexe de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.
Un petit attroupement s’est formé ce lundi midi à l’entrée du site, malgré le froid et la grisaille. Professeurs, étudiants et représentants syndicaux ou associatifs sont venus dire leur solidarité aux agents d’entretien mobilisés depuis le 7 novembre dans un mouvement de grève reconductible.
Toujours pas de salaire au 14 du mois
Dans cette société qui emploie ici une petite vingtaine de personnes, l’incendie a été allumé par le licenciement, le 28 octobre, d’une agente de maîtrise quinquagénaire, Siva Jothivadivel. Présente au rassemblement, celle-ci raconte avoir été harcelée par sa direction à partir du moment où elle a refusé de mettre en place les réductions d’effectifs exigées par cette dernière. « On m’a demandé de faire partir les vieux, les plus de 50 ans, confie-t-elle. Mais je n’ai pas voulu le faire. J’ai répondu qu’il serait impossible de travailler dans de telles conditions, que ce serait épuisant pour celles et ceux qui restent. » Et d’ajouter, dans un soupir : « Déjà, dans les conditions actuelles, c’est compliqué… »
Au-delà de leur appel à la réintégration de leur collègue, les grévistes ont dressé une longue liste de revendications : réduction de la charge de travail, nouvelles embauches, augmentation des salaires… et paiement en temps et en heure. « Nous sommes le 14 du mois, et personne n’a reçu son salaire pour le moment », déplore Benali.
Une situation récurrente dans tous les sites sur lesquels s’active Arc en ciel, selon Étienne, un juriste du syndicat CNT, qui souligne la propension de la société sous-traitante à « casser les prix et détruire le droit du travail ». En septembre 2021, les salariés d’Arc en ciel du campus parisien de Jussieu avaient eux-mêmes mené une grève d’une dizaine de jours, au terme de laquelle avait été signé un protocole qui validait l’essentiel de leurs revendications.
La direction de l’université ferme les yeux
En début d’après-midi, les grévistes et les étudiants qui les soutiennent pénètrent dans les locaux de Tolbiac, tambourinent sur une table métallique et scandent, mégaphone à la main : « Arc en ciel, esclavagiste, fac complice ! » Les voilà qui dénoncent aussi l’attitude de la direction de l’université, accusée de fermer les yeux sur les violations du Code du travail possiblement commises par le sous-traitant. « L’université a mis tout en œuvre pour encourager le dialogue entre la société Arc en ciel et ses salariés en grève. (…) À ce jour, la direction de la société Arc en ciel refuse de prendre ses responsabilités dans la gestion du conflit et est injoignable », se défend l’université dans un mail adressé à l’Humanité. Sans répondre sur l’éventualité d’une internalisation à l’université des activités de nettoyage, autre cheval de bataille des grévistes.