1er-Mai : une enquête ouverte sur les violences commises contre le cortège de la CGT à Paris
Des véhicules du syndicat ont été caillassés et des militants agressés par des personnes masquées à la fin de la manifestation parisienne pour la Journée internationale des travailleurs.
La manifestation parisienne du 1er-Mai a été marquée par 46 interpellations, mais également par des heurts lors de son arrivée place de la Nation, samedi en fin d’après-midi. Une enquête pour « violences volontaires » et « dégradations » en réunion a été ouverte après des violences qui ont fait plusieurs blessés chez les militants de la CGT, a fait savoir le parquet de Paris dimanche 2 mai.
Des dizaines de manifestants masqués s’en sont en effet pris à des véhicules de la Confédération générale du travail (CGT) en criant « CGT collabo ». Les véhicules du syndicat ont été caillassés et des bagarres ont éclaté entre le service d’ordre du syndicat et des manifestants. La CGT a fait savoir, dans un communiqué publié dans la soirée, que 21 de ses membres ont été blessés. Les quatre blessés qui avaient été hospitalisés sont depuis sortis de l’hôpital, a appris l’Agence-France-Presse (AFP) dimanche 2 mai.
Certains auront cependant besoin de « suivi » car l’attaque a été « très sévère », a affirmé sur BFM-TV le syndicaliste Benjamin Amar (CGT), présent lors de l’attaque d’une camionnette du syndicat. « En vingt ans de syndicalisme, une situation pareille, je ne l’ai jamais connue », a-t-il souligné, jugeant « compliqué » de savoir qui était à l’origine des violences, mais évoquant des insultes « homophobes, sexistes, racistes » qu’il présente comme « typiquement » d’extrême droite.
« Sous le choc »
Le journaliste du Huffington Post Pierre Tremblay, qui a filmé la scène, a posté une vidéo en rapportant que plusieurs militants CGT étaient « sous le choc » après avoir été pris à partie en arrivant sur la place de la Nation, au sud-est de la capitale.
« C’est scandaleux que nos camions et nos militants aient été caillassés », a réagi Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, interrogé samedi soir sur LCI. « Le problème, d’abord, c’est la sécurisation de la manifestation puisque les camions ont été empêchés de dégager la place de la Nation », a-t-il déclaré. « Il y a eu des erreurs graves dans la gestion de cette manifestation », a dénoncé le responsable syndical. Dimanche, sur BFM-TV, il a affirmé que les militants étaient tombés dans « un guet-apens », et n’excluait pas des dépôts de plaintes.
Dans un communiqué, la préfecture de police a expliqué dimanche qu’un itinéraire de sortie avait été « concerté » en amont pour les véhicules syndicaux à partir de la place parisienne. Trois se sont engagés « sur la mauvaise sortie » et « ont été la cible de nombreux jets de projectiles par une foule hostile » en « même temps que des membres du service d’ordre de la CGT », affirme la préfecture, précisant que des policiers avaient été « également violemment pris à partie par les manifestants », et l’un d’entre eux blessé, avant que des gendarmes n’interviennent et usent de gaz lacrymogènes, permettant de « faire retomber les tensions ».
Solidarité des syndicats
Les violences visant la CGT ont suscité de vives condamnations dans les rangs syndicaux. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, les a dénoncées « avec la plus grande fermeté » sur Twitter, celui de FO, Yves Veyrier, qui manifestait samedi avec la CGT, FSU et Solidaires, dénonçant des actes « intolérables ».
Mais les réactions ne se limitent pas au monde syndical, plusieurs hommes et femmes politiques ont fait part de leur indignation ces dernières heures. « Solidaire des militants CGT agressés par un commando masqué. La violence déployée contre le grand syndicat signe la gravité de l’événement. Où va la France ? », s’est révolté Jean-Luc Mélenchon, candidat La France insoumise (LFI) à la présidentielle de 2022.
Clémentine Autain, députée LFI et tête de liste LFI en Ile-de-France pour les régionales, a exprimé sa « profonde solidarité » aux militants agressés hier à la fin de la manifestation parisienne, à travers un tweet. « Cet acte ciblé lâchement commis par des personnes masquées signe la gravité de notre époque », a-t-elle encore écrit.
« Une fois encore des éléments ultras sont venus gâcher la fête des travailleurs », allant « jusqu’à s’en prendre à des syndicalistes de la CGT », a, pour sa part, regretté Olivier Faure (PS), tandis que le PCF a témoigné de sa « solidarité », la porte-parole de Lutte ouvrière Nathalie Arthaud dénonçant une agression « odieuse ».
« L’attaque des black blocs contre les services de l’ordre de la CGT le 1er-Mai n’est pas seulement inadmissible ; elle signe la nature de ce “mouvement”. L’extrême droite l’a rêvé, les black blocs l’ont fait », a également écrit sur Twitter Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du Parti socialiste.
A droite, Xavier Bertrand a estimé qu’il était « temps de mettre hors d’état de nuire les black blocs » qui sont « en train de tuer le droit de grève dans notre pays », tandis que le patron des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, a fustigé dans un communiqué un gouvernement « incapable d’enrayer la violence ».
Le gouvernement condamne les violences
Du côté du gouvernement, pour la ministre chargée de la citoyenneté, le fait que le cortège de la CGT ait été agressé est « absolument inacceptable et intolérable ». « J’observe que les manifestations rassemblent de moins en moins de monde, mais qu’elles sont de plus en plus violentes, donc, elles se transforment », a affirmé Marlène Schiappa, dimanche 2 mai, sur Franceinfo. Quelques heures plus tard, sur France Inter, le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, a estimé que les violences étaient le signe d’« une perte de repères », se défendant d’une mauvaise gestion de la manifestation par les forces de l’ordre : « Manifester, c’est une grande liberté ; elle n’est pas entravée par l’Etat qui fait tout pour la maintenir, a-t-il assuré. Avec des forces de l’ordre, qui sont présentes, et qui le paient parfois dans leur chair. »
Dès samedi soir, la ministre du travail avait condamné « très fermement » les perturbations ayant émaillé certains défilés. « Je trouve scandaleux que ces casseurs, les black blocs, aient voulu voler ce moment aux organisations syndicales », a dit Elisabeth Borne au micro d’Europe 1.
Les cortèges ont rassemblé samedi entre 106 650 manifestants (selon le ministère de l’intérieur) et plus de 170 000 (selon la CGT), dont entre 17 000 et 25 000 à Paris. Cinquante-six personnes ont été interpellées dans toute la France et six policiers ont été blessés, dont trois dans la capitale. Selon le parquet, 54 gardes à vue ont été décidées en marge des manifestations dans la capitale.