Le succès en trompe-l’œil de la lutte contre le travail dissimulé
Urssaf Les 330 inspecteurs de l’organisme ont réalisé pour près de 800 millions d’euros de redressement fiscal. Loin des 8 milliards annuels estimés pour cette fraude.
L’Urssaf a communiqué, jeudi 8 juin, le montant des redressements opérés à la suite de ses contrôles auprès des entreprises employant des travailleurs dissimulés. Sans surprise, dans un contexte de lutte affichée par Bercy contre la fraude sociale et l’évasion fiscale, les inspecteurs de l’organisme de cotisations ont procédé à des redressements fiscaux à hauteur de 788 millions d’euros en 2022. Un montant en léger recul de 0,17 % par rapport à 2021, mais qui« traduit une augmentation très forte sur le long terme »,note Yann-Gaël Amghar, directeur général de l’Urssaf. Soit un total de 3,5 milliards d’euros sur les cinq dernières années, en hausse de 50 % comparé à la période 2014-2018. Dans le détail, le BTP représente 66,5 % des redressements, devant les services aux entreprises (8 %), les transports (5,1 %) et le commerce (4,5 %). À titre de comparaison, ces montants sont équivalents au coût de 162 989 accouchements et de 15,762 millions de consultations chez un généraliste.
Pour autant, Gabriel Attal, le ministre de l’Action et des Comptes publics, veut aller plus loin, en ciblant les entreprises dites éphémères ainsi que les plateformes Internet. Les 1 700 inspecteurs de l’Urssaf (dont 330 spécialisés sur la lutte contre le travail au noir) seront renforcés par l’arrivée de 240 nouveaux postes.
Les plateformes numériques dans le viseur
Parmi ces arrivées, 40 seront consacrées à la régularisation des microentrepreneurs, notamment dans le numérique. Un phénomène très répandu sur les plateformes. Ainsi, 90 % des chauffeurs de VTC sous-déclarent leurs revenus et 73 % parmi les livreurs à domicile. Chez ces derniers, près de 40 % ne déclarent aucun revenu. Dans ces activités, un système de retenue à la source des cotisations sera mis en place d’ici à 2027. L’Urssaf espère ainsi récupérer 200 millions d’euros. Les agents pourront user de nouvelles méthodes de ciblage, comme le croisement automatique des données des travailleurs détachés, afin de veiller à ce que leur arrivée dans une entreprise se traduise bien dans la masse salariale. Au total, Bercy fixe un objectif de redressement de 5 milliards d’ici à 2027.
Néanmoins, le travail dissimulé représente une perte chiffrée entre 7,3 et 9,2 milliards d’euros chaque année pour les caisses de la Sécurité sociale, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Soit 36,5 à 46 milliards sur cinq ans. En ce qui concerne le recouvrement des créances issues de cette lutte, l’Urssaf n’a récupéré que 77 millions d’euros, en 2022.« Ce n’est pas un échec parce que, au moins, nous mettons fin à une infraction »,assure le directeur général de l’organisme.
Avec ces contrôles, le directeur général de l’Urssaf veut ainsi croire à un changement des comportements« par peur du gendarme ».Reste que les créances récoltées ne représentent que 1 % des fraudes aux cotisations sociales.