Pôle Emploi doit faire preuve de « retenue »
La Cour de cassation vient de désavouer la pratique de Pôle emploi qui procède illégalement à des retenues sur des allocations à venir alors que le chômeur conteste le caractère indu des sommes qui lui sont réclamées. Les explications de NVO Droits.
Que peut faire Pôle emploi s'il considère avoir versé à un chômeur des sommes qu'il n'aurait pas dû percevoir, soit parce que l'institution s'est trompée dans l'attribution des droits, soit parce que l'allocataire a oublié de signaler un changement dans sa situation ?
Le Code du travail autorise Pôle emploi à exiger le remboursement des sommes indûment versées. Ainsi, l'article L. 5426-8-1 du Code du travail précise que pour le remboursement des allocations indûment versées par Pôle emploi, ce dernier peut, si le débiteur n’en conteste pas le caractère indu, procéder par retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit. Quant à l'article L. 5426-8-2, il indique la procédure à suivre par Pôle Emploi (mise en demeure, contrainte, etc.) et les délais à respecter.
Une pratique non respectueuse des textes
Si la loi permet bien à Pôle Emploi de procéder à des retenues sur les allocations restant à verser, sa façon de procéder est souvent expéditive et peu respectueuse des droits de la défense, en l'occurrence celle du chômeur ponctionné.
La Cour de cassation vient, pour la première fois, de rappeler à l'ordre Pôle Emploi sur cette pratique peu respectueuse des textes (Cass. soc. 23 juin 2022, n° 20-21534). Dans cette affaire, il était réclamé à un chômeur indemnisé un trop-perçu d’allocation pour le mois de décembre 2018 et Pôle Emploi avait opéré d'autorité des retenues sur les échéances de février et d’avril 2019.
C'était oublier que la loi permet à l'allocataire d'effectuer un recours gracieux contre la décision de Pôle Emploi dans un délai de deux mois après la notification pour que son cas soit réexaminé. Or c'est sans attendre la fin du délai de 2 mois pendant lequel l'allocataire pouvait exercer ce recours que Pôle Emploi s'était précipité, tel un miséreux, pour récupérer les sommes. Pourtant, le texte de l'article L. 5426-8-1 indique bien que les retenues ne sont possibles que dans la mesure où l'allocataire ne conteste pas le caractère indu des sommes qu'on lui demande de restituer.
Pôle Emploi désavoué par la Cour de cassation
Cette pratique est désavouée pour la première fois par la Cour de cassation : Pôle emploi a violé la loi en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque l'allocataire conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées !
Pire : en l'espèce Pôle Emploi n'avait ni mis en demeure l'intéressé ni ne lui avait délivré de contrainte avant de prélever les sommes litigieuses comme l'y oblige le Code du travail (Art. R. 5426-20 C. trav.).
Pire du pire : Pôle emploi n'avait pas non plus respecté la « quotité saisissable », qui est la part maximum qu'un créancier a le droit de saisir, afin de laisser des ressources jugées suffisantes pour vivre à la personne débitée. Cette partie saisissable est fixée par un barème variant selon les revenus (voir notre article ici).
Pôle emploi a également été condamné à verser à l'allocataire 3 000 euros, pour le rembourser des frais de procédure (art. 700 du CPC).
L'affaire sera donc rejugée. Un encouragement pour toutes les personnes privées d'emploi à contester les décisions qui leur semblent arbitraires.
Une décision historique pour le comité national CGT des travailleurs privés d'emploi et précairesSelon Pierre Garnodier du comité national CGT des travailleurs privés d'emploi et précaires, la décision de la Cour de cassation revêt un caractère historique. Elle devrait contraindre Pôle Emploi à respecter davantage non seulement la période légale de recouvrement, ce qui n'est pas toujours le cas, mais aussi avoir des effets sur la pratique des radiations car « des personnes sont radiées alors que la phase de recours n'est pas terminée ! » La CGT entend s'emparer de l'arrêt de la Cour de cassation pour l'élargir à toutes les situations dans lesquelles les administrations effectuent des retenues, « sans avoir délivré de contrainte ni de mise en demeure ». Par exemple, « les caisses d'allocations familiales (CAF) devraient respecter la même procédure de recouvrement que Pôle emploi mais la nie systématiquement ».