LE 8 MARS 2021 N'EST PAS LA JOURNEE DE LA FEMMES C'EST LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LUTTE DE L'EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Les femmes dans la Commune de Paris 18 mars 1871 – 28 mai 1871
Avant-Propos
L’évènement de la Commune de Paris ne semble être ignoré de personne. Elle est la manifestation et la preuve concrète que le peuple peut prendre le pouvoir et organiser la société par et pour lui-même. La Commune vient après une série d’évènements révolutionnaires qui ont marqué la France tout au long du « grand XIXe siècle » après 1789 : 1830, 1848… Cependant, elle apporte une dimension nouvelle : ce n’est pas avant tout contre un tyran que se déchaînent les masses, mais bien pour leur propre émancipation et leur propre liberté, sortir de l’oppression, forger leur destin.
Lors de ces précédentes insurrections, les femmes ont pris part à la lutte de manière considérable pour obtenir leur émancipation, mais n’ont rien obtenu. Lors de la Commune de Paris, elles n’ont pas envie que cela se reproduise.
Un pan essentiel de l’histoire de la Commune qui a été occulté par les grands personnages masculins, dans une société éminemment marquée par l’androcentrisme.
L’androcentrisme désigne un mode de pensée façonné pour et par les hommes. La construction des savoirs scientifiques en est imprégnée, ainsi que la manière dont on raconte l’Histoire. En effet, les philosophes de l’Antiquité tels que Aristote ont mis du cœur à l’ouvrage en justifiant l’infériorité des femmes à travers leur soi-disant « froideur » contrairement aux hommes qui seraient chauds : « Dans l’espère humaine l’homme est plus parfait que la femme. La cause de cette supériorité est la surabondance du chaud »[1].
Afin de contrecarrer cette dynamique, cet article a pour objectif de mettre en lumière la multiplicité des rôles des femmes sous la Commune de Paris.
L’Union des femmes
Désireuses de s’organiser pour la défense de la Commune, Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Le Mel[i] fondèrent en collaboration avec d’autres femmes, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessé.e.s.
Le 11 avril, Nathalie Le Mel et Elisabeth Dmitrieff lancent un premier appel aux citoyennes de Paris, en accordant une place centrale à l’émancipation de la classe ouvrière comme peuvent en témoigner les citations suivantes :
« Nos ennemis, ce sont les privilégiés de l’ordre social actuel, tous ceux qui toujours ont vécu de nos sueurs, qui toujours se sont engraissés de notre misère (…) Nous voulons le travail, mais pour en garder le produit…Plus d’exploiteurs, plus de maîtres ! »[2]
Des femmes de la Commune : Paule Minck, André Léo, Nathalie Lemel, Béatrice Excoffon, Sophie Poirier, Anne Jaclard, Elisabeth Dimitrieff, Louise Michel, Hortense Machu, Lodoïska Caweska, Elisa Tétiffe …
Suite à cet appel, L’Union des femmes s’adresse à la commission exécutive de la Commune afin de porter fièrement, haut et fort ses principales revendications que sont l’égalité des sexes et l’abolition de l’antagonisme entre exploiteurs et exploité.e.s :
« Que la Commune, représentante du grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, – par là même est engagée, à tenir compte des justes réclamations de la population entière, sans distinction de sexe, – distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel reposent les privilèges des classes gouvernementales. Que le triomphe de la lutte actuelle ayant pour but la suppression des abus, et dans un avenir prochain la rénovation sociale toute entière assurant le règne du travail et de la justice, – a, par conséquent, le même intérêt pour les citoyennes que pour les citoyens… »[3]
Dans chaque arrondissement de Paris, L’Union des femmes est composée d’un comité de 11 membres. Ces comités avaient pour tâche de recenser les citoyennes qui souhaitaient se consacrer à la défense de la
Commune de Paris : soit en tant qu’ambulancières, cantinières, vivandières[ii] soit aux barricades ou encore pour des convocations à des réunions. Le comité central, composé de déléguées, est chargé de la direction générale, et tous les membres de l’Union des femmes avaient le devoir de respecter l’autorité morale du comité central, et d’obéir aux instructions et aux ordres du comité auxquels les membres appartenaient.
Le but de l’organisation de l’Union des femmes est d’augmenter la participation des femmes à la défense de la Commune. Pour ce faire, les femmes de l’organisation ont mis en place un moyen de répandre leurs revendications révolutionnaires à travers les clubs et les comités qui prennent souvent place dans des églises.
Les Clubs et les comités : moyens de propagation des idées révolutionnaire
Le club de la délivrance est présidé par Lodoïska Caweska (ancienne rédactrice du journal Citoyennes) et eut à plusieurs reprises comme oratrice Nathalie Le Mel. Lors des réunions de ce club qui avaient lieu dans une église, précisément à la Trinité, plusieurs sujets étaient abordés par les oratrices : notamment sur les rapports entre la religion et l’émancipation des travailleuses devant un auditoire de 600 femmes (le nom de l’oratrice du discours ci-dessous est malheureusement méconnu) :
« Voilà le jour de la revendication et de la justice qui arrive à grands pas. Les ateliers dans lesquels on nous entasse, vous appartiendront ; les outils qu’on met entre vos mains seront à vous ; le gain qui résulte de vos efforts, sera partagé entre vous. Prolétaires, vous allez renaître. Femmes frêles, vous vous nourrirez, vous vous vêtirez…Mais pour en arriver là, citoyennes, il faut de votre part une rupture soudaine et absolue avec les folles superstitions qu’on a prêchées dans le local où j’ai l’honneur de vous parler en ce moment. ». [4]
Le club des libres penseurs effectuait ses réunions depuis le 6 mai 1871 dans l’église de Saint-Germain-L’auxerrois. Ce club est particulièrement intéressant car c’est dans celui-ci que 100 femmes et 400 hommes ont voté la proposition de la citoyenne Rondier pour l’affranchissement complet des femmes. Ce vote permet de montrer que les prolétaires soutenaient massivement les femmes dans leur désir d’émancipation.
Le Comité des Femmes de la rue d’Arras qui existe indépendamment de l’organisation Union des femmes, a fondé des comités de quartier pour rendre possible la mise en place d’ateliers de travail. Ces ateliers de travail avaient pour principal objectif de « préparer l’organisation du travail des femmes par elles-mêmes ».[5]Le Comité Des Femmes s’est également occupé de la propagande révolutionnaire en recueillant près de 300 inscriptions pour la légion des femmes qui souhaitait porter des armes, afin de défendre au même titre que les hommes la Commune de Paris.
Journalisme
Lors de la Commune de Paris, la journaliste André Léo[iii] a écrit dans différents journaux ; notamment dans La Commune, Le Rappel et La Sociale. Elle a eu un rôle actif dans la Commune puisque dans ses articles, elle a soutenu la nécessité d’armer les femmes au service de la défense de la Commune :
« Paris est loin d’avoir trop de combattants, le concours des femmes devient nécessaire. A elles de donner le signal d’un de ces élans sublimes (…) On les sait anxieuses, enthousiastes, ardentes (…) à se donner tout entières (les femmes du peuple surtout) à la grande cause de Paris. Qu’elles entrent donc d’action dans la lutte autant qu’elles y sont de cœur (….) Louise Michel, Madame de Rochebrune, bien d’autres, ont déjà donné l’exemple »[6].
La journaliste a également élaboré des propositions afin de soutenir la cause des femmes combattantes en demandant au général Cluseret d’installer les trois registres suivants : Action armée, Postes de secours aux blessés, fourneaux ambulants. Cela aura permis aux femmes de s’inscrire massivement dans chacun de ces registres.
Education
Les femmes ont joué un rôle majeur dans l’éducation. Dès le début de la Commune, ce sont les institutrices, qui, au sein de la société Education Nouvelle ont rendu possible l’application des principes de l’éducation laïque, obligatoire et gratuite pour les deux sexes. Désireuses d’émanciper les femmes au sein de l’éducation, la contribution de plusieurs femmes avec Louise Michel ont réalisé une pétition pour obtenir des écoles professionnelles et des orphelinats laïques.
Il est important de prendre en considération le travail fourni par Madame Tinayre, ancienne institutrice qui, sous le gouvernement de Bordeaux était chargée de réorganiser les écoles de filles à Paris, n’a cessé de poursuivre cette tâche sous la Commune de Paris.
La contribution de l’écrivaine Paule Mink[iv] a été celle de créer une école de jeunes filles située dans la chapelle du catéchisme de Saint-Pierre de Montmartre. La nef de cette église a été transformée le 19 avril en un atelier destiné à la confection d’habillements militaires. Dans cette atelier une cinquantaine de femmes ont travaillé jusqu’au début du mois de mai. L’Eglise fut ensuite réquisitionnée pour la tenue de réunions.
Paule Mink |
Les combattantes
Lors de la semaine sanglante, les femmes, armées, se sont massivement mobilisées pour la défense de la Commune de Paris. Elles ont notamment défendu les barricades jusqu’à leur dernier souffle. Les noms des femmes qui ont fait preuve de bravoure, et de solidarité sur le champ de bataille sont en grande majorité inconnus, en raison du vide des archives sur le sujet. Cependant, il existe quelques noms, et parce-que les femmes doivent cesser d’être essentialisées, il est nécessaire de les identifier :
Joséphine Dulembert (ancienne rédactrice du Moniteur des Citoyennes).
Brossert (cantinière au 84ème bataillon) avec Lodoïska Caweska ont contribué à l’organisation de la défense de la gare Montparnasse.
Un groupement d’environ 120 femmes a construit et défendu les barricades de la place Blanche. Une cinquantaine de femmes sous la coordination de Nathalie Le Mel ont construit une barricade place Pigalle et ont contribué à sa défense.
Louise Michel, une combattante infatigable |
André Léo a défendu les barricades situées aux Batignolles.
Elisa Rétiffe (cantinière au 135ème bataillon) était aux barricades de la rue Bellechasse.
Conclusion
Loin du rôle misérabiliste attribué aux femmes, l’expérience de la Commune de Paris a démontré que la lutte des classes est une des conditions à l’émancipation des femmes. Cette émancipation a été l’usufruit des femmes majoritairement issus de la classe ouvrière, qui en défendant leur émancipation, se sont vouées corps et âme, à la défense de la Commune, à travers différents rôles qui touchent la société, massivement, et activement. C’est là l’intérêt de l’unité entre le mouvement ouvrier et le mouvement des femmes. Il faut souligner leurs exploits à la contribution de cette grande cause qu’est le communisme, une cause qui établira l’égalité et la justice.
Pour une Histoire des femmes.
Pour la liberté des femmes
dans une société sans exploitation et oppression de toute sorte.
Unité Communiste, membre de l’ICOR
i Elisabeth Dmitrieff est née en Russie en 1850. Partageant les opinions de Marx pendant l’Internationale, elle fut sa correspondante sur les évènements de la Commune de Paris.
ii Nathalie Le Mel est née à Brest en 1826. Militante de l’Internationale, elle est l’une des créatrices du Syndicat des relieurs et relieuses de Paris, et géra la coopérative La Marmite.
iii Les vivandières étaient les femmes qui suivait les troupes pour vendre aux soldats des vivres, des boissons.( Définition Le Robert)
iv André Léo est née à Lusignan en 1824. Romancière et Journaliste, elle publie en 1869 « La femmes et les Mœurs – Monarchie ou liberté » ouvrage dans lequel elle riposte contre l’ordre patriarchal revendiqué par Proudhon.
v Paule Mink est d’origine polonaise, elle est née en 1839 à Clermont-Ferrand. Républicaine, elle a écrit un pamphlet qui s’intitule « les Mouches et l’Araignée » à l’encontre de Napoléon III.
L’Unité Communiste et l’Union Prolétarienne ML sont deux organisations membres de la Coordination internationale des organisations révolutionnaires (ICOR) en campagne commune pour les 150 ans de la Commune de Paris contact : dem_prol@protonmail.com contact-upml@riseup.net |
[1]Source : https://www.arkhe-editions.com/magazine/femme-homme-science-du-sexe-faible/
[2]Source :https://www.persee.fr/doc/r1848_0765-0191_1950_num_42_185_1467
[3] Source : https://www.persee.fr/doc/r1848_0765-0191_1950_num_42_185_1467
[4] Source :https://www.persee.fr/doc/r1848_0765-0191_1950_num_42_185_1467
[5] Source : ibid
[6] Source : ibid