Grève à la Sécurité Sociale
« Augmentez, augmentez la valeur du point. Dix euros, dix euros, c'est ce qu'il nous faut », s'égosille une militante cégétiste à son micro, sur l'air du chant de noël « vive le vent », accompagnée par un chœur de manifestants venus exiger une revalorisation du point d'indice à dix euros, contre 7,49 euros actuellement. En cette matinée glaciale du 13 décembre 2022, jour de la réunion paritaire nationale sur les salaires, près de 400 agents des différentes caisses de la Sécurité sociale (Caisse primaire d'assurance maladie, caisse d'allocations familiales, Caisses d'assurance retraite et de la santé au travail) sont venus de toute la France (Dordogne, Bouches du Rhône, Loire, Indre et Loire, Cher, Calvados, etc.) exprimer leur ras le bol, au siège de l'Ucanss (Union des caisses nationales de sécurité sociale) à Montreuil. Quelques drapeaux de FO, de Solidaires et de la CFDT se sont joints au gros des troupes cégétistes.
Le point à dix euros
Alors que les agents subissent une perte de salaire liée au gel du point d'indice depuis douze ans, les manifestants revendiquent une revalorisation annuelle de la valeur du point, indexée à minima sur l'inflation. D'après un communiqué de la CGT, « une étude réalisée par la CGT démontre qu'un gestionnaire conseil de la sécurité sociale niveau 3, qui représente une grande partie des salariés, a perdu en 15 ans 33 000 euros avant inflation, il a travaillé gratuitement pendant un an et demi ». Déjà en grève à la même période l'année dernière, les agents n'ont eu de cesse de mettre la pression sur leur employeur, contraint de revenir par cinq fois à la table des discussions. « Finalement, en octobre dernier, le point a été augmenté de 3.5%, mais sur la même période, l'inflation a été de 6.2%. Les deux premiers niveaux de la grille des employés sont passés en dessous du smic. Et le niveau 3 de la grille, qui rassemble la majorité des agents, se fait lui aussi rattraper. Notre bataille, c'est la fiche de paie, qui permet de faire rentrer des cotisations », explique Laurent Piot, responsable national CGT du collectif sécurité sociale.
Perte de sens
En parallèle de la stagnation des salaires, les effectifs ont diminué, des caisses ont été regroupées. « 24000 postes ont été supprimés depuis 2003. Non seulement, les agents sont mal payés, mais ils ne peuvent plus remplir leur mission, faire correctement leur travail en assurant le bon droits aux usagers », déplore Nadine Leclerc, de la CGT des organismes sociaux. Autour d'eux, pour se réchauffer, des manifestants font la chenille, chantent « le chiffon rouge », détournent des airs de Charles Aznavour. « Pour rattraper les quatre mois de retard sur le paiement des indemnités journalières, la caisse a créé une plateforme de liquidation en embauchant uniquement des CDD très peu formés », regrette Isabelle, chargée des dossiers sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à la CPAM 92. Pierre Yves, technicien d'accueil à la Caf de Sainte-Etienne reçoit les bénéficiaires d'allocations et traite leurs dossiers. « On a du mal à trouver du sens à ce que l'on fait. On a dégradé l'accueil faute de salariés formés et de procédures qui se contredisent. Un dossier est traité en un mois. On nous propose de faire des heures supplémentaires pour écouler la charge de travail », témoigne cet agent qui travaille depuis 1999 pour 1600 euros nets. Une délégation de salariés devait finalement être reçue par leur direction, après que la police ait empêché les manifestants d'investir le hall du siège. Placide, Michel, agent de la CPAM de Caen depuis 1982, a déjà écrit son discours pour son pot de départ: « je suis entré à la sécu sans connaître son histoire, j'y ai rencontré la CGT, j'y ai trouvé l'amour. Je m'en vais, c'est mon dernier jour. Merci Ambroise Croizat ». Michel plafonne à 1600 euros nets. Il a fait ses calculs. Au train où vont les choses, pour avoir une pension correcte, il ne pourra pas partir avant 67 ans.