Il y
a bien une vingtaine de personnes qui se pressent devant la mairie
annexe du quartier des Templiers à Coulommiers, un ancien cabinet de
dentiste aux pieds des HLM, et nous attendons dehors en discutant
avec les autres « patients », car le petit couloir qui
sert de salle d'attente est bien trop petit pour toute cette foule.
C'est la permanence du député-maire Franck Riester, que beaucoup
viennent voir pour des problèmes de logement. On nous a prévenus :
20 personnes au moins en 2 heures de consultation, ça laisse quelque
chose comme 5 minutes pour exposer son problème...et nous avons 3
sujets de préoccupation : localement, la question des rythmes
scolaires dans le Primaire et la fusion des hôpitaux du nord Seine
et Marne ; nationalement bien sûr le projet de loi El Khomri.
C'est ce dernier sujet que nous garderons comme priorité.
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le centre commercial de la Ville haute, son DAB et la permanence du député-maire (rideau baissé) |
Dans
la file d'attente, nous rencontrons un journaliste du Pays Briard
venu couvrir nos 5 minutes d'entrevue. Lui a le temps de nous écouter
au café du coin ( en attendant notre tour) ; du coup nous lui
expliquons les dangers du rapprochement entre les hôpitaux de
Coulommiers, Jossigny et Meaux dans un souci budgétaire plus que
dans l'intérêt des patients, et nous lui montrons les résultats de
notre enquête sur les nouveaux rythmes scolaires, massivement
repoussés par les personnels et les parents d'élèves. Devant le
silence des Administrations concernées ( aucun service de
l'Education Nationale ne nous a reçus, ni d'ailleurs n'a pris la
peine de nous opposer une enquête sérieuse sur le sujet), nous
allons voir les politiques locaux : maires, députés et
sénateurs...avec en gros cette question : Vous résignez-vous à
cette baisse de qualité, à ces réformes à budget constant voire
en régression ? Ou vous ferez vous l'écho des personnels et
des populations, ne serait-ce que pour interroger le gouvernement ?
Ecole, hôpitaux, loi « Travail », le journaliste
comprend bien de quoi il retourne : il est lui-même en CDD et a
des proches dans l'enseignement...comme de plus en plus d'entre nous,
il côtoie quotidiennement la précarité et la dégradation des
services publics. Ne pouvant attendre davantage, il nous prend en
photos devant la permanence avec son smartphone ( les journalistes
n'ont plus d'appareil-photo, un effet de l'austérité ? On
s'est demandé si le Pays Briard offrait quand même un portable
professionnel!).
Quand
vient notre tour, nous exposons à M. Riester le plus rapidement
possible nos 3 sujets de préoccupation. Il se dit prêt à nous
recevoir plus longuement sur les rythmes scolaires, de même que sur
la fusion des hôpitaux. A ce sujet, le député-maire précise qu'il
est très attaché à l'hôpital de Coulommiers et qu'il nous
expliquera à l'occasion pourquoi cette fusion est bénéfique pour
les personnels et la population. Nous lui signalons qu'au contraire
les personnels de l'hôpital de Coulommiers sont très inquiets, et
qu'ils vont interpeller en intersyndicale ( CGT et FO) les politiques
et la population .
Nous
abordons le projet de loi El Khomri, il doit nous rester quelque chose
comme 4 minutes. Nous demandons d'abord à M. Riester si, à l'image
de la mobilisation sur internet, il a été beaucoup sollicité sur
ce sujet, s'il compte faire des réunions publiques pour « prendre
la température » de sa circonscription et comment il se
déterminera dans son vote. Le député-maire explique avoir reçu
plusieurs sollicitations par courriel, un bug sur son site empêchant
sans doute un plus grand nombre de messages, que c'est la première
fois qu'il est interpellé lors d'une entrevue directe comme nous le
faisons, et qu'il est disposé à écouter ou lire toutes les
participations ( « Je lis tout » nous précise-t-il).
Donc, à vos claviers, à vos papiers-lettres, le député est en
attente de réflexions citoyennes ! Il est plus évasif sur une
ou des réunions publiques car, contrairement à nous qui parlons
d'un sujet central pour la population, Franck Riester estime que la
loi va se dégonfler et manquera au final d'ambition. De manière
générale, le député nous dit se prononcer en conscience « en
tant que député de la Nation » sur les textes de loi, suivre
parfois l'avis de son groupe parlementaire (les Républicains) quand
il maîtrise moins le domaine de la loi, mais qu'il peut aussi
s'opposer à son parti ( M. Riester fait certainement allusion au
texte sur le mariage pour tous) : autrement dit, il n'a pas
l'esprit partisan. Notre vision de ce que doit être un parlementaire
va plus loin : il ne suffit pas de ne pas être un
député-godillot, un député doit se faire le délégué de ses
concitoyens, c'est à dire qu'il doit s'efforcer de recueillir et de
porter la parole de ceux qu'il représente. Une réunion publique est
un moyen parmi d'autres ; à nous d'exiger ce moment
d'explication...et d'autres !
Quand
nous lui demandons dans quel état d'esprit il aborde ce projet de
loi, M. Riester explique qu'il est tout à fait favorable à
davantage de flexibilité « dans l'intérêt des entreprises et
des travailleurs », et ce non par idéologie, mais parce que
« l'exemple des autres pays montre que cela fonctionne ».
Par pragmatisme, notre député-maire ne se montre pas du tout
hostile aux grandes lignes de l'avant-projet El Khomri. C'est dire que
pour le faire changer d'avis, il va falloir lui envoyer pas mal de
courriels argumentés- dès que sa messagerie sera réparée !
Si vous avez des amis allemands, espagnols, italiens, portugais,
britanniques ou grecs qui peuvent préciser en quoi la flexibilité
du travail, ça « fonctionne » chez eux ( et pour qui ça
fonctionne?), n'hésitez pas, envoyez-nous et envoyez-lui du
pragmatisme.
Comme
nous n'avons pas le temps d'aborder tous les points du projet qui
cristallisent une large opposition citoyenne ( au moment de cet
article, la pétition #loitravailnonmerci est sur le point de
pragmatiquement atteindre le million de signatures), certains
articles risquant d'ailleurs d'être retirés ou modifiés, nous lui
demandons de se prononcer sur la philosophie générale du texte, à
savoir l'inversion de la hiérarchie des normes. Car ce texte est
bien (contre)révolutionnaire, dans le sens où il fait complètement
basculer l'équilibre entre droits des travailleurs et droits des
employeurs (rappelons que M. Riester est lui-même employeur, de par
ses activités de concessionnaire automobile) : jusqu'ici en
effet, la loi est la garantie minimale pour chaque salarié, et un
accord de branche ne peut être que plus favorable au travailleur.
Par exemple, la loi donne à tous 5 semaines de congés payés, la
branche de la métallurgie ne peut que donner 5 semaines ou plus,
jamais moins. Et plus on « se rapproche » du salarié,
plus les accords doivent être favorables, c'est le « mieux
disant social » : l'accord d'entreprise doit à son tour
être au moins aussi favorable au salarié que l'accord de branche.
Avec le projet de loi El Khomri, c'est l'inverse ! Une entreprise
pourra déroger facilement aux règles de sa branche ou même à la
loi pour s'adapter à ses difficultés , à la concurrence, pour se
développer-même ! Pragmatisme, pur pragmatisme...Ce sera donc
l'accord d'entreprise qui primera, et on imagine qu'il sera bien
difficile aux employés de s'opposer à leur patron, en cas de
chantage à l'emploi par exemple, surtout que ledit patron pourra
licencier beaucoup plus facilement, et pour moins cher
qu'aujourd'hui.
Sur
cette question, M. Riester a été beaucoup moins clair : il dit
vouloir « garder des lois nationales » avec « les
garanties principales pour le salarié comme pour l'employeur »
tout en soutenant que le niveau de l'entreprise est « central » -
il refuse le terme de « primordial », alors que le droit
parle bien de « hiérarchie des normes », c'est à dire
d'une organisation verticale et non équivalente des accords. Le
droit du travail n'est pas un menu à la carte où tout se vaut , loi
comme accord d'entreprise ou de branche, et devant un tribunal par
exemple, en cas de conflit, il faut bien qu'un texte (actuellement la
loi) prime sur l'autre. Le discours de M. Riester, qui nie cette
hiérarchie, est pour le coup inconsistant et flou, quand il défend
l'idée d'une loi « socle de base » limitée à quelques
points, mais avec de très nombreuses dérogations au niveau de
l'entreprise. Si la loi est minimaliste et que tout est négociable
dans l'entreprise, c'est bien que l'accord d'entreprise devient
prépondérant...Si le concept de « l'exception devient la
règle tout en maintenant la règle » vous paraît
incompréhensible ou franchement de mauvaise foi, faites comme nous:
interpellez votre député !
Adresses
- Assemblée nationale,
- Assemblée nationale,
- 126 Rue de l'Université,
- 75355 Paris 07 SP
- En circonscription
- Hôtel de ville
- 77120 Coulommiers
- Téléphone : 01 64 75 80 02